Il y de ces livres qui sont des électrochocs (les miens sont tous dans le domaine de l’éducation : « Et je ne suis jamais allé à l’école » d’André Stern, « Mon enfant, mon égal » d’Evelyne Mester, « Les lois naturelles de l’enfant » de Céline Alvarez, et donc maintenant « Une enfance en Nord » de Marion Cuerq, qui les rejoint).
Pourtant, le thème précis de cet ouvrage, dans notre foyer, nous est familier, il fait même parti de notre quotidien. Toutefois, ce fut une bonne piqûre de rappel contre nos automatismes autoritaristes qui reviennent parfois. Mais surtout, il n’a pas manqué de me surprendre dans le degré vers le lequel on pouvait défendre les droits de l’enfant et lutter contre la violence ordinaire à leurs égards.
Attention, on parle de la violence ordinaire, pas de la violence extrême, sur laquelle on s’accorde tous qu’elle est inacceptable, et contre laquelle il n’y a pas de difficulté à se révolter. Il s’agit plutôt ici de la violence qui part de nos bonnes intentions (« c’est pour son bien » / « il est trop jeune, il ne peut pas savoir »), qui pour certains n'est absolument pas de la violence, "c'est juste de l'éducation pardi !".
En France, la culture de la punition est particulièrement présente, elle part du principe que l’enfant est "à redresser", qu’il nous fait tourner en bourrique, qu’il est un être un peu (ou totalement) tyrannique qui nous manipule, qu'il est tout simplement pénible, insatisfait... quand ce n’est pas « un enfant-roi » ! Dans tous les cas, nous sommes en quelque sorte son supérieur hiérarchique, dans une relation verticale indiscutable ! Sa soumission à notre autorité d'adulte est certaine, il nous doit naturellement respect et obéissance !
C’est comme ça qu’on éduque les enfants, ça va de soi ! On ne peut même pas le concevoir autrement.
Comment éduquerait t-on sans crier, sans punir, sans s’énerver, sans motiver l'enfant par « une carotte » (manipuler), comment les calmer sans une bonne mise à l’écart, en l'isolant seul dans une pièce (le fameux time-out), sans le priver de son portable, le réprimander quand il a de mauvaises notes, prendre à sa place les grandes décisions pour son avenir … La liste pourrait encore être longue... Tout ceci est à considérer comme des violences éducatives ordinaires.
Elles font parties de notre paysage français (et de la majorité des pays du monde). Alors, nous, parents, faudrait-il nous flageller, nous qui faisons de notre mieux. Le problème est plus vaste, car c'est la société toute entière qui entretient cette idée, c'est dans notre culture !
Il n’y a qu’à regarder les médias (la fameuse émission « Super Nanny »), les titres des magazines (Magic Maman « Mon enfant peut-il être un pervers narcissique » avec le visage d’une fillette moitié dans l’ombre, le visage sans émotion), écouter tous ces "pros" de l’enfance qui dénoncent le laxisme de ces parents-hippies qui optent pour une éducation positive, bienveillante et qui ne mettent aucune limites. (et par dessus le marché, certains font l'école à la maison ! 😉)
L’enfant est un être sur lequel nous devons avoir l’ascendant. C’est ainsi, et toute notre société est fondée sur ce principe, à l’école, dans les crèches, dans nos maisons… PARTOUT !
Cette idée première est d’autant plus révoltante de nos jours que, comme nous le rappelle le livre de Marion Cuerq, « l’idée d’un enfant mauvais qui doit être dompté par la punition et la menace est désormais invalidé par la recherche. Mais elle subsiste encore. »
Et pourtant, il existe un pays… la Suède pour qui tout cela n’existe pas. J'ai bien dit: ça n'existe pas ! Ils ne peuvent même pas concevoir nos principes éducatifs dans le sens où ils sont passés à autre chose depuis plusieurs décennies !!! Dans tout le pays élever ses enfants ainsi ne se fait plus ! Cela appartient au passé, plus précisément au sortir... de la seconde guerre mondiale !
C’est précisément cela que le livre « Une enfance en Nord » décrit: l’OVNI suédois. Eux possèdent une vision de l’enfant opposée à la nôtre, qui part du principe d’une confiance absolue en eux. Personne d'autre que l'enfant lui-même peut savoir ce qui est bien pour lui, pour sa vie. De cette posture de base découle alors tout un tas d'outils éducatifs autres que les nôtres où l'obéissance est remplacée par la coopération. Et tout ceci se retrouve dans la société toute entière : de la maison à l’école en passant par tous les lieux communs et le monde du travail.
J’étais choquée.
Choquée par notre immeeeeeeennnse retard en France (les suédois commençaient à légiférer sur les punitions corporelles (claques, tapes…) et les humiliations faites aux enfants dès 1979 !) Ces nouvelles lois ont eu pour résultat qu’en 2017, sur un panel d'adolescents répondant à une étude sur la violence ordinaire, seulement 3% avaient reçu… des BRIMADES ! et ce seulement de façon occasionnelle ! En France… nous adoptions seulement une loi interdisant les violences éducatives ordinaires… en 2019 ! Et encore, il a fallu sortir les rames ! Depuis, qu'est-ce qui a changé? Si nous interrogions les petits français sur les violences ordinaires éducatives qu’ils reçoivent, quels seraient les résultats… Notre vision de l'enfant soumis à l'adulte est toujours la même.
Les enfants français sont même peu à connaître ce concept de violences ordinaires ! Pour eux comme pour nous, ça fait parti de l’éducation "normale" ! Vous voyez le cercle vicieux… ?! S'en sortira t-on ?...
J’arrête ici, je pourrais vous citer l’ouvrage presque entier et ses 86 post-il que j’y ai apposé.
Ce livre « Une enfance en Nord » devrait nous révolter car il existe une existence plus apaisée, non pas un monde de bisounours mais simplement une façon d’aborder l’humain de telle sorte qu’il soit tout simplement plus heureux. Visiblement ce n’est pas encore notre projet de société en France, pourtant je compte bien aller dans ce sens avec quelques autres.
Les artistes servent peut-être aussi à ça (et après tout, je vis dans le département de l’Utopie réalisée 😉 ), d’ailleurs la conclusion de Marion Cuerq est un appel aux artistes (Merci ! Enfin !), cela entre en résonnance avec certaines de mes activités tournées vers les enfants, mes nouveaux engagements et des projets en cours. Nous sommes sur la voie, tous pouvons en être acteur après s'être informé.
Bonne lecture d’été à tous !
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- Mon article précédant sur une posture respectueuse de l'enfant dans le cadre de ses apprentissages ici
- Film-documentaire sur ce même sujet "Même qu'on naît imbattable" de la même Marion Cuerq et de Elsa Moley
- Livre "Une enfance en Nord" de Marion Cuerq aux éditions Marabout
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