Vivre un quotidien en ief, « sans emploi du temps »
- ossartdorothee
- 17 juin
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 juin
"Sans emploi du temps" ne veut pas dire qu’il n’y a aucune structure. Au contraire, depuis que nous avons commencé l’instruction en famille avec Lili-Rose, il y a 9 ans, notre quotidien est ponctué de rendez-vous ensemble. Des rendez-vous choisis jalonnent la semaine et nous ancrent.

Très concrètement, nous avons des moments réguliers où nous nous retrouvons pour apprendre ensemble, "pour faire ief ".
Ces rencontres ont lieu trois jours fixes par semaine et sont scindées en deux temps: un moment le matin, un moment l'après-midi . C'était le cas lorsqu'elle avait 6 ans, ça l'est toujours aujourd'hui à 14. Il semblerait que ce soit notre « rythme de croisière ». Ces moments de rencontre durent entre 1h et 2h. Lorsque Lili-Rose était petite, la répartition se faisait ainsi: 1h le matin et 1h30 l’après-midi. Au fil du temps, cela s'est transformé: 2h le matin, de 8h à 10h puis 1h/1h30 en début d'après-midi.


Pour ces rendez-vous ief, je prépare des activités en amont : un document à observer et à commenter , une maquette à débuter en lien avec un sujet précédant, une lecture partagée que nous poursuivons, une expérience de sciences, un jeu de société mathématiques, une initiation à une activité artisanale, une création ou encore une séquence thématique complète ( voir les "invitations à apprendre" dans mon livre LiliRose apprend )...
J’ai listé ces activités souvent pendant l’été (même si je continue d'en chercher, de temps en temps, pendant l'année car j’adore faire ça ! ). Pour trouver l’inspiration, je regarde dans des livres variés, sur internet, sur Instagram, Pinterest, j’invente ! Puis, je réunis le matériel nécessaire ( je me fournis principalement sur les sites de seconde main, Rakuten et Vinted ).

La veille de nos rendez-vous ief, je pioche dans cette liste d'idées. Parfois, c’est le matin même ! Juste avant que Lili-Rose ne se réveille, et selon l’inspiration du moment. Comme Lili-Rose est curieuse et ouverte à absolument tous les sujets, je sais que quoi qu’il arrive, ça lui plaira ! Elle a toujours eu le choix de décliner une activité mais en 9 ans, ça n’est jamais arrivé.
Au contraire, certaines idées d’activités pourront être réservées à plus tard dans l’année, par exemple, l'étude des bourgeons ne peut s’observer réellement dans la nature que vers février/mars. Je réserve donc cette étude et l’inscris dans une sorte d'"agenda ief" que je me suis créée.
D'autres fois encore, on se laisse juste porter par ce que nous avons dans la bibliothèque, les livres en cours... Rien de préparé et c'est délicieux aussi.
Tandis qu'un beau matin, c’est un projet de Lili-Rose qui accapare tout notre rendez-vous ! Elle me dit qu’il faut relire le roman qu’elle est en train d’écrire pour corriger les fautes, créer des objets artisanaux pour la vente de Noël du mois prochain… Nous devenons alors "monoactivité" pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, voir plusieurs mois !

Lorsqu’à 7 ans, elle a écrit et illustre son livre Asper-Girl ou bien, à 11 ans, Asper-Girl grandit, là encore, nos moments se sont tournés uniquement vers la peinture et l’écriture, pendant 3 mois.
Cela donne alors souvent lieu à des productions "exceptionnelles" pour son âge, qui l'a marquent , lui donnent confiance en elle et illuminent son dossier pédagogique pour l'inspecteur, accessoirement.
Cela lui permet surtout d'éprouver le travail long, fastidieux. Et souvent, la création pure.

Les nombreux moments d’autonomie et de liberté de Lili-Rose contrebalancent ces périodes centrées sur un domaine unique. En effet, de son côté, elle continue de s’adonner à des activités variées: lire ses livres, s’entraîner en danse classique, partir observer la nature, cuisiner… J'en parle dans ma vidéo YouTube qui complète cet article ( "Je réponds à vos questions sur notre ief" )
Quand elle était petite, il s'agissait plutôt de jeux de construction, d’imagination, des activités chez papy et mamie, du dessin, le jeu de la marchande, la création d'installations loufoques (là encore, voir le livre Lili-Rose apprend ; ) …
Ainsi, j’ai toujours pu remplir tous les domaines du socle commun lors de la création de mes dossiers pédagogiques pré-inspection puisque par ses jeux, ses passions, ses loisirs, elles continuait concrètement d’exercer et d’acquérir des compétences du socle commun. Grâce à cette diversité spontanée, naturelle.
Le petit explorateur en elle ne s’est jamais éteint.
D’autres fois, lors de nos rendez-vous ief, c’est Lili-Rose qui arrive avec une simple question née d’une discussion, d’une rencontre, ou d'une observation qu'elle a faite. Alors, je laisse tomber humblement ce que j’avais "prévu" et nous creusons. Il arrive que nous mixions les deux: voir à sa question puis faire un peu de ce que j’avais prévu.
La plupart du temps, lors d’un rendez-vous ief, nous travaillons plusieurs matières, plusieurs domaines. En 2h, nous pouvons faire: 15 minutes de lecture partagée, 10 minutes d’exercices formels en mathématiques, 30 minutes de création manuelle, 30 minutes de géographie à l’aide d’un programme clef-en-main puis partir le reste du temps en forêt observer les bourgeons en les dessinant (nous vivons en lisière des bois, ce qui est très pratique pour injecter des activités nature facilement et rapidement à notre ief).
Quand Lili-Rose était plus jeune, c’était à peu près la même diversité dans les matières et toujours de courtes durées. TDAH et TSA obligent. Pour toutes les deux.
Cet « emploi du temps » de rendez-vous ief est donc né naturellement de nos besoins et capacités. Plus jeune, Lili-Rose était plutôt concentrée le matin au réveil, j’ai donc placé les rendez-vous ief à ce moment-là.
A la suite de notre rencontre matinale, elle descendait seule à pied chez ses grands-parents pour passer le restant de la matinée (ils vivaient à une prairie de chez nous). Ce qui me permettait de faire les tâches de la maison, poursuivre mon travail artistique entamé à l’aube, avant qu’elle ne se réveille ou de simplement faire une pause ! Ce qui était plutôt le cas, souvent j’allais marcher (je continue toujours ainsi).
Toujours lorsqu’elle était petite, si l’après-midi, nous avions un rendez-vous ief, alors c’était plutôt pour aller battre la campagne, se rendre à la médiathèque ou au petit musée local. Rien de formel, nous n'y arrivions pas. Pas concentrée, pas l'énergie.

Ensuite, vers 9 ans, les apprentissages nous ont demandé plus de réflexion et d’inventivité. Parfois lorsque la matinée était intense, nous laissions tomber "l'ief de l'après-midi". Avec nos troubles autistiques, la fatigabilité nous limite. Nous passions alors le reste de l'après-midi à nous recharger en nous adonnant chacune de notre côté à nos intérêts spécifiques (mon travail artistique dans mon atelier pour moi / lecture, balade, amies... pour Lili-Rose).

Bien entendue, lors de nos rendez-vous ief, nous ne sommes pas bornées sur le temps, un chronomètre à la main ! Il n'est pas rare qu'une expérience de sciences dure finalement toute la séance et même déborde.
Peu importe, c'est même cela qui fait le sel de l'ief, non ?!

Cette année, à 14 ans, Lili-Rose a voulu que l’on déplace nos rendez-vous ief pour qu'ils aient lieu uniquement après le déjeuner. Autant vous dire que ça ne me semblait pas l’idéal compte tenu de ce j'expliquais plus haut, l’après-midi je suis très loin d’être en pleine capacité... Mais ça semblait important pour elle, elle voulait profiter de ses matinées pour faire du sport (yoga, souplesse, renforcement musculaire pour la danse) puis son travail autonome. J’ai eu du mal à accepter ce changement car il était une sorte de rupture avec nos rendez-vous ancestraux du matin. Mais il faut bien se résoudre à ce que l’enfant grandisse, ait d’autres envies et besoins. L’ief évolue et parfois, il faut faire des concession. L’une, l’autre. Comme dans un couple finalement.
De temps en temps, "un après-midi ief " est tout de même annulé pour être remplacé par "un matin" car, on a beau dire mais... le matin, Dieu est plus proche, comme dit l'expression. Nous savourons alors à nouveau ce moment.
Nous voilà donc encore à jongler avec notre « planning »…

Vous l’aurez compris, nous avons une sorte d’emploi du temps sans vraiment l’être. Si il existe, il est dans tous les cas fait de vie, de présence et d’écoute. Il est un juste milieu entre le lâché prise et le formel. Tantôt l’un des deux prend le dessus durant un moment, puis c’est à l’autre; ou bien les deux se mêlent harmonieusement à nouveau.
Tout semble donc être une question de souplesse, de mouvement, d’ajustement et de dialogue. Notre cadre est vivant, malléable, dansant mais donne finalement, tout de même, un point d’ancrage puissant.
Comme l’artiste jongle avec ses idées, ses outils, ses inspirations, ses intuitions… Cela peut nous paraître chaotique et brouillon, pourtant, ce n’est qu’un processus fondamentalement habité.
Dans son atelier, le travail se fait pourtant, c’est tout simplement ainsi que se produit l’œuvre.
Il en va de même pour l’enfant dans la maison, dans le monde. Il explore, manipule, s’absorbe, dévie, revient, transforme… Cela peut sembler désordonné aux yeux extérieurs, mais c’est ainsi que se tisse son savoir. L’apprentissage, ici, ne se montre pas : il se vit.

Cette instruction en famille que nous avons développée au fil des années s’inscrit pleinement dans une relation ( je l'ai d'ailleurs baptisé « la pédagogie de la curiosité collaborative et de la créativité dans mon livre Lili-Rose apprend), sans pression, mais avec intention.
Notre "planning" pourrait paraître bien léger par rapport à ceux des élèves scolarisés. Un tel "programme", est-il vraiment bien sérieux ?!!!!!
Je peux simplement répondre à ces deux questions:
-Lili-Rose a t-elle des lacunes, des faiblesses ?
Oui !
-A t-elle des forces ?
... D'IMMENSES !

N'hésitez pas à me laisser vos questions en commentaires ! Ou bien à partager votre expérience.
Encore un article très pertinent mettant en valeur la place principale de votre fille dans son instruction et dans son épanouissement. Comme d'habitude, je suis très admirative de votre collaboration si précieuse que tout enfant devrait connaitre et surtout et le plus important, sans vous soucier des "absurdes"attendus de l'EN. Vous respecter simplement votre enfant avec ses envies et ses états-d'âmes. L'écoute et le dialogue est la clé primaire d'une reussite. BRAVO A VOUS DEUX
Syla Syla