Pourquoi célébrer l’automne nous fait du bien
- ossartdorothee
- 13 sept.
- 6 min de lecture

Certaines familles qui pratiquent l’instruction en famille, aiment à inclure la célébration des saisons dans les apprentissages de leurs enfants. Issu de la pédagogie Steiner-Waldorf, cela offre un repère naturel et rythme le quotidien de toute la maison. Il ne s’agit pas là d’une activité pédagogique thématique, mais bien une manière de s’accorder au vivant. Maria Montessori insistait sur le lien de l’enfant avec la nature et l’observation des cycles. Les activités telles que jardiner, récolter, cultiver,… sont des activités sensorielles importantes de sa pédagogie, sans parler de la célébration des anniversaires des enfants selon un rituel précis. Sous-jacent à cela: l’importance des saisons comme repère éducatif.
La célébration et l'apprentissage avec les saisons est loin d'être l’apanage des familles ief qui choisissent de suivre ou de s’inspirer de ces pédagogies. Depuis quelques années, l’automne, par exemple, est omniprésent sur les réseaux sociaux (et donc, dans les magasins). Une esthétique délicieuse mais qui peut finir par saturer et faire perdre de vue l’essentiel.
Pourtant, ce besoin de s’incarner dans une saison particulière est loin d'être superficiel, il est plutôt le résultat d'un manque contemporain: celui des rituels, celui de marquer le temps avec le cœur et non pas avec notre agenda.
L’automne comme un refuge
A notre époque, pour beaucoup, le temps s‘écoule en échéances, en objectifs - une To-do list qui ne finit jamais. Mais le monde naturel dans lequel nous vivons et qui nous englobe, que l’on habite en ville ou à la campagne, décrit une ronde. C'est un cycle: naissance - maturité - déclin - repos - recommencement. Célébrer les saisons, c’est rejoindre cette ronde et rejoindre le vivant. Cet automne, par des gestes simples: allumer une bougie, ramasser des châtaignes, récolter les potimarrons pour en faire une bonne soupe… nous créerons en quelque sorte une résistance moderne face à la pression du monde. Une résistance douce et poétique.
Et peut-être que cette “résistance douce” résonne particulièrement pour les familles qui font le choix de l’instruction en famille. Elles aussi s’écartent d’un système scolaire standardisé pour retrouver un rythme plus humain, plus vivant, accordé à leurs enfants et à la nature.
Ceci expliquerait cela...

Mais pourquoi l'automne nous frappe plus particulièrement ? Peut-être parce que c’est une saison à la transformation bien visible: la lumière décroît, l’air devient plus cinglant, la forêt nous invite à nous poser sur un tapis de feuilles flamboyantes. L’automne ne passe pas inaperçu ! Et c’est probablement pour ça qu’il est Instagramable ! Pourtant, loin d’être agressif, il nous semble un refuge intime qui touche à quelque chose de profondément sensible et fait écho en l’humanité.
J'en reparlerai après le petit aparté intime qui suit.
Notre mémoire familiale incarnée dans les saisons et la création
Ce n’est pas pour rien que je baigne Lili-Rose dans cette sensibilité aux saisons, moi-même j’ai grandi entouré de cela. Avant chaque solstice ou équinoxe, ma mère descendait les cartons du grenier pour sortir les « vêtements de saisons ». À l’automne, pas question de sortir les couleurs pastels ! Mais plutôt des tenues aux tons ambrés. Il y avait aussi tout une collection de linge de maison - de nappes notamment - vous devinez quand celle au motif « fraises » était installée sur la table…
Et si ma mère faisait cela, c’est tout simplement parce que sa mère le faisait aussi. Et ainsi de suite !
Mon arrière-grand-mère, qui vivait à deux pas de là dans le même village (comme presque toute la famille), dans sa petite maison de briques, changeait les rideaux de ses fenêtres à chaque saison, soucieuse d’être en harmonie - quand elle ne repeignait pas ses menuiseries extérieures toutes entières !
Les hastags aesthetic ou seasonalvibes n'existaient même pas.


Aujourd'hui, ma mère, dans sa propre maison à quelques mètres de là, perpétue cela à sa façon — non pas avec l’idée de faire durer une tradition, car nous n’avions même pas conscience que c’en était une, mais tout simplement parce que cela paraissait normal. Normal de peindre ses volets d’une couleur qui accompagnerait le temps, normal de penser son intérieur et son jardin en harmonie avec le dehors (et pour mon père aussi).
Elle conserve la même couleur de volets plusieurs années, mais met toujours un point d’honneur à choisir quelles fleurs viendront embellir sa maison selon la saison, en cherchant l’accord juste entre leurs teintes et la lumière du moment.


Autre personnage de l'histoire familiale: le cousin de ma grand-mère, poète, écrivait sur les lieux qui nous entouraient, sur notre campagne changeante au rythme des saisons. Comment elles modelaient les paysages, l’attitude de la faune et de la flore locale… Un peu comme nous le faisons aujourd’hui Lili-Rose et moi avec nos « Carnets Nature ». Il n’y a que peu de temps que nous avons pris conscience de cette sorte de perpétuation familiale, cela nous a fait sourire, et c'est un peu magique de se relier à ces personnes du passé aujourd’hui disparues.






Vivre au rythme des saisons est donc naturel pour Lili-Rose et moi. Elles ne sont pas une tendance à suivre, ni un simple décor. Les saisons sont pour nous une présence rassurante, presque familière, qui nous relie les uns aux autres, de générations en générations et nous enracine dans une sorte de grande mémoire vive partagée.
Et je trouve qu'à l’automne en particulier, cette présence se fait plus vive encore, elle nous rappelle, en couleurs mais fermement: "Soyez attentifs au temps qui passe ! Chaque instant mérite d’être pleinement goûté."
Ça vous rappelle quelque chose ?
Mélancolique automne
Il est probable que l’automne touche autant notre imaginaire à tous parce qu’il renvoie à une vérité de notre existence, celle du déclin. Et pourtant, nous célébrons cette saison. Le déclin s'offre à nos yeux de toutes les manières qui soient mais loin de détourner le regard, nous participons au spectacle: nous tamisons nous aussi nos lumières, on récolte les feuilles mortes pour les faire sécher puis les mettre en décorations...
« Philosopher, c’est apprendre à mourir » disait Montaigne, et bien l’automne est le Montaigne des saisons ! Il nous offre une méditation implicite, dont nous n’avons pas forcément conscience, sur notre finitude. Voilà pourquoi cette fameuse mélancolie d'automne peut émerger en nous. Mais loin d’être triste, elle peut être féconde et même source de création.
De nombreux poètes s'en inspire et ont exprimé l'automne comme la saison de la beauté qui console. C’est peut-être pour cela que cette saison est aujourd’hui encensée.


Entre authenticité et esthétisation à outrance
Il y a parfois ce danger dans les réseaux sociaux: réduire la beauté à un produit consommable. On y voit l’automne figé dans des photos ultra léchées, mise en scène mais souvent sans récit d’une expérience intérieure, sans l’histoire d’une résonance avec son auteur. Attention, regarder de belles photos, admirer des objets de créateurs sur le thème des saisons, acheter en grandes surfaces, chiner de nouvelles choses peut être un vrai plaisir, et j’adore m’y adonner. Certains créateurs, d’ailleurs, savent transmettre à travers leurs objets de vraies histoires et de vraies valeurs — et cela a tout son sens.
Mais ce qui peut devenir problématique, c’est la saturation commerciale impersonnelle. A force de trouver des objets sur le thème des saisons à outrance, se crée l’uniformisation, l’automne perd de son sens intime, ne relève plus de l’expérience personnelle. Il devient une tendance que beaucoup finiront par rejeter. Sans compter notre oeil saturé... jusqu'au dégoût.
Libre à chacun de s’adonner comme il l’entend aux images, aux objets, aux mises en scène inspirantes, pourvu que l’on ne perde pas de vue l’essentiel : remarquer l’odeur d’humus dans la forêt ou la lumière si particulière d’un matin de septembre.

Habiter le temps autrement
Célébrer les saisons, nous fait du bien car il nous relie à la vaste histoire de l’Homme. A nos ancêtres lointains qui fêtaient déjà ces cycles du monde naturel. Dans chacun de nos petits gestes, il y aura quelque chose d’universel. Certains d’entre nous y trouverons un apaisement, une autre façon d’habiter le temps. Non pas comme une ligne droite mais comme un cercle, une perpétuation rassurante.
En célébrant l’automne de manière authentique, en vivant et en apprenant au rythme des saisons, c’est cela que je souhaite offrir à Lili-Rose: ressentir la relance à la mémoire collective - celle de notre famille, celle de l’humanité toute entière. Et cette leçon de philosophie: l’automne nous enseigne que le déclin n’est pas une fin en soi, mais la promesse d’un renouveau.

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